Le Codex Dyson Perrins, un chef-d’oeuvre de la culture antiquaire et de l’art maniériste à Rome
Emmanuel Lurin
maître de conférences en histoire de l’art moderne à l’université Paris-Sorbonne. Ancien élève de l’école supérieure de la rue d’Ulm, agrégé d’histoire, docteur en histoire de l’art moderne avec une thèse soutenue en 2006 sur Etienne Dupérac, graveur, peintre et architecte. Ancien pensionnaire en histoire de l’art à l’Académie de France à Rome, il est également titulaire d’un DEA d’égyptologie (Paris IV, CRES, dir. Nicolas Grimal) : « Les scènes descriptives dans la littérature et l’iconographie égyptiennes à la XVIIIe dynastie ».
L’intérêt pour les antiquités de Rome à partir de la Renaissance n’a pas seulement suscité de nombreux dessins d’architecture ou de fragments antiques, mais aussi une production abondante de manuscrits illustrés, plus ou moins luxueux, dont beaucoup d’ouvrages sont restés inédits. Le Codex Dyson-Perrins compte ainsi parmi les plus beaux livres d’antiquités qui aient été conçus et dessinés à Rome, à la fin du XVIe siècle, à une époque où les antiquités chrétiennes suscitaient aussi un intérêt soutenu parmi les érudits. Ce précieux album, conservé à la Pierpont Library (New York), semble avoir été rapidement dépouillé de ses pages de texte, mais il a conservé la plupart de ses illustrations qui réunissent une cinquantaine de vues de Rome où les monuments anciens, tantôt restitués, tantôt montrés à l’état de ruine, sont présentés dans de superbes cadres maniéristes. Le manuscrit a été publié sous forme de fac-similé en 1960 par Rudolf Wittkower qui attribuait alors les dessins à Etienne Dupérac. Nous montrerons que l’ensemble de l’ouvrage – texte et dessins – a été conçu par un peintre romain, Bernardino Passeri, proche des milieux ecclésiastiques pour lesquels il a donné de nombreux modèles d’illustrations dans l’esprit de la Contre-Réforme. Œuvre d’un artiste cultivé, apparemment passionné par les antiquités, le manuscrit semble aussi avoir été conçu en relation avec Fulvio Orsini, l’un des grands historiens de l’époque, pour être éventuellement offert à son maître et protecteur, le grand cardinal Alexandre Farnèse.