Andrea Mantegna et Giovanni Bellini : je t’aime moi non plus
Michel Hochmann
Ancien élève de l’Ecole Supérieure, ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome, M. Hochman est doyen de la section historique et philologique à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris. Il a écrit plusieurs ouvrages, Peintres et commanditaires à Venise en 1992, Venise et Rome, deux écoles de peinture et leurs échanges en 2004. Colorito. La technique des peintres vénitiens au XVI° siècle, paru en 2016
Giovanni Bellini, né à Venise entre 1425 et 1433, est décédé dans cette même ville en 1516. Sa sœur, Nicolosia, épousera en 1453 Andrea Mantegna né vers 1431 à Isola di Casturo, près de Padoue, décédé à Mantoue en 1516. Fils de l’illustre peintre Jacopo, et chef de file de la peinture vénitienne entre 1470 et 1516, Giovanni Bellini débuta dans l’atelier de son père aux côtés de son frère Gentile. Il fut le premier à comprendre la signification de la renaissance florentine. Ses premières œuvres connues ont dû sembler révolutionnaires à ses contemporains tant elles rompent avec les solides traditions de l’atelier paternel. Deux facteurs semblent avoir présidé à la nouvelle orientation du jeune peintre : les œuvres de Mantegna et celles d’artistes florentins, Donatello en particulier. Mantegna, génie précoce, fit ses débuts à Padoue qui affirmait son indépendance culturelle en protégeant les jeunes artistes désireux d’assimiler le langage nouveau des florentins.
Entre Bellini et son beau-frère, Mantegna, plusieurs traits marquent leur différence de conception, en particulier l’agencement des gammes chromatiques : l’un intégrant ses personnages dans le paysage, l’autre leur insufflant une violente plasticité.Un autre trait qui va les différencier est le sens poétique de Bellini qui contraste fortement avec la passion intellectuelle de Mantegna, sa façon presque académique d’exploiter les formes visibles. Bellini admirait le nouvel art padouan et résolut de se mettre à son école, mais il en révisa son programme afin de l’adapter aux idéaux vénitiens, tâche qu’aucun autre artiste de son temps ne fut capable de mener à bien.