La Live de Jully : un grand amateur du siècle des Lumières
Marie-Laure de Rochebrune
Elle a été conservateur du patrimoine au musée du Louvre, avant d’intégrer la conservation du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon en 2010. Elle est aujourd’hui conservateur en chef spécialisée dans le domaine des objets d’art et s’est donnée pour mission d’enrichir et de valoriser les collections de porcelaines royales. Elle a été commissaire de plusieurs expositions : Splendeur de la peinture sur porcelaine, Charles Nicolas Dodin au château de Versailles, La Chine à Versailles. Art et diplomatie au XVIIIe siècle et Le goût de Marie Leszczyska, et a participé à de nombreux ouvrages. Elle a récemment œuvré à la création d’un nouvel espace muséographique dédié aux collections de pièces de services : la pièce des « Buffets ».
Ange Laurent de La Live de Jully, l’une des figures les plus brillantes et les plus attachantes du monde des grands amateurs français de la seconde moitié du XVIIIe siècle était, selon son ami Jean-Nicolas Dufort de Cheverny (1731-1802), “rempli de talents et d’esprit”. Mécène, collectionneur, graveur, musicien et historien à ses heures, il fut élu le 27 avril 1754, il n’avait pas trente ans, membre honoraire ou associé libre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, en raison de la qualité des collections qu’il avait déjà réunies à cette date, de son intérêt pour l’art et les artistes contemporains et de ses capacités artistiques. Quelques années plus tard, il devait devenir également membre de l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg.
Doué d’une grande sensibilité artistique, La Live de Jully contribua précocement par ses choix particulièrement novateurs et par son soutien actif et bienveillant en faveur d’artistes français de premier plan, peintres, graveurs, sculpteurs, ornemanistes et ébénistes, à la promotion de l’art français de son temps, dans un esprit patriotique assumé. Parmi ceux qui bénéficièrent de son soutien, il convient de citer en premier lieu Jean-Baptiste Greuze dont il acquit le morceau d’agrément à l’Académie en 1755, Un Père de famille qui lit la Bible à ses enfants, aujourd’hui au musée du Louvre. Quatre ans plus tard, l’artiste devait peindre le portrait le plus célèbre de son mécène, considéré aujourd’hui comme une véritable icône de l’amateur éclairé du XVIIIe siècle. La Live de July sollicita également les talents de Louis Joseph Le Lorrain, de Joseph Marie Vien de Jean-Baptiste Oudry, de Nicolas de Largillière, de Jean-Siméon Chardin, de Jean-Baptiste Marie Pierre, de Louis Jean-François Lagrenée, de Jean-Baptiste II Lemoyne, d’Etienne Maurice Falconet, de Jean-Jacques Caffieri, d’Augustin Pajou, de Jacques Saly, de Louis Claude Vassé, enfin de l’ébéniste Joseph Baumhauer qui exécuta le mobilier du cabinet flamand, première incarnation du goût “à la grecque” dans les arts décoratifs français, ou bien encore de Jean-François Leleu qui fournit les pièces de mobilier les plus remarquables de l’hôtel de la rue d’Artois, la dernière demeure du collectionneur.