Renouveau architectural et réforme catholique : les couvents de la Visitation du Grand Siècle
Laurent Lecomte
docteur d’histoire de l’art moderne de l’université Paris-Sorbonne, il a assuré des charges de cours à l’Ecole du Louvre, à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, à l’université Lille III. Spécialiste de l’architecture religieuse il a écrit plusieurs articles scientifiques et ouvrages : « Religieuses dans la ville. L’architecture de l’ordre de la Visitation en France aux XVII et XVIIIe siècles » éditions du patrimoine et dernièrement : « Paris et ses églises du Grand Siècle aux Lumières », ouvrage collectif paru aux éditions Picard.
Fondé par François de Sales et Jeanne de Chantal en 1610 à Annecy, l’ordre de la Visitation Sainte-Marie a connu une expansion fulgurante à travers toute la France : on comptait 134 couvents et églises à la veille de la Révolution. Reflet de l’attractivité de la spiritualité salésienne, ce mouvement s’accompagne d’un prodigieux élan constructif dont l’ampleur et l’originalité résultent principalement de la spécificité du monachisme féminin après le concile de Trente. Assujetties à la règle de la clôture la plus stricte, les visitandines doivent rester recluses et « invisibles » à l’intérieur de l’enceinte de leur couvent. Contrairement à l’usage médiéval, elles sont tenues de s’installer en ville et de s’ouvrir partiellement au monde extérieur en donnant aux laïcs accès à leur église et en accueillant femmes retraitantes et jeunes filles pensionnaires. Enfin, elles doivent s’en tenir, avant de bâtir, au plan type dessiné à l’instigation des fondateurs dans le but de maintenir l’unité architecturale de l’ordre, reflet de son unité spirituelle. Véritables maîtres d’ouvrage – et parfois architectes elles-mêmes – elles font travailler les maîtres maçons locaux comme les plus grands architectes du royaume. Loin des idées reçues sur le monachisme féminin et des notions stylistiques périmées (le prétendu « conflit » baroque v classique), les constructions visitandines résultent des tensions entre les valeurs traditionnelles de l’idéal monastique (pauvreté, renoncement, isolement) et les contingences topographiques, économiques et sociales de la réalité urbaine.