Le Dieu de Michel-Ange, et sa création d’Adam
François Boespflug
Historien des religions et théologien, professeur émérite, université de Strasbourg
Licencié de philosophie scholastique, titulaire de doctorats de 3è cycle en théologie et en science des religions à la Sorbonne, avec une thèse mixte sur Dieu dans l’art, il a été chargé de cours au Cycle des Études Doctorales de l’Institut Catholique de Paris et à l’École des hautes Études en Sciences Sociales puis directeur de département littéraire aux Éditions du Cerf. L’art a toujours tenu une grande place dans sa vie. Ses nombreuses publications en portent témoignage : Dieu et ses images, paru chez Bayard en 2008 et dernièrement, La Résurrection du Christ dans l’art paru en octobre 2016. Il a tenu la Chaire du Louvre en 2010 pour 5 conférences à guichets fermés sur le Dieu des peintres et des sculpteurs.
Le 2 février 1477, le cardinal Della Rovere, qui allait devenir pape sous le nom de Jules II, a noté qu’après une messe célébrée dans la Cappella Grande, Sixte IV l’avait nommé archevêque d’Avignon. C’est le dernier document relatif à cette célébration avant que ne soit entrepris les travaux qui allaient conduire à la création de la chapelle Sixtine. Ce vaste espace de plus de quarante mètres de longueur et large d’environ 14, est recouvert d’une voute en berceau rabaissée, rattachée aux murs par des voutains et des pendentifs, le tout éclairé de six grandes fenêtres. Devenu pape, Julles II propose de redécorer de fresques la voute qui avait été endommagée et demande Michel-Ange. Ce dernier, sculpteur et non pas peintre, fut « contraint d’aller là-bas la corde au cou » écrira plus tard l’artiste. Les travaux débutèrent le 10 mai 1508 et ne virent leur achèvement qu’en octobre 1512. On trouve un écho des réactions des contemporains sous la plume de Vasari « Cette œuvre est véritablement le luminaire de notre art, qui a apporté un tel enrichissement et un tel éclat à l’art de la peinture, qui a suffi à illuminer le monde, après tant de centaines d’années de ténèbres ».
Peut-être la plus universellement illustre des images de la Sixtine, La Création d’Adam a suscité une admiration particulière chez les contemporains de l’artiste qui voyaient la concrétisation des idéaux les plus élevés de la culture de la Renaissance : la « dignité » de l’homme, fait » à l’image et à la ressemblance » de Dieu. Vasari décrit Adam comme « un Adam d’une beauté, d’une pose, d’une présentation, qui font penser à une nouvelle interprétation de son premier créateur plutôt qu’au pinceau d’un grand dessinateur ». Les textes de Pic de la Mirandole étaient les plus fréquemment cités dans les sermons que prononçaient les évêques et les cardinaux à la Sixtine, et l’exaltation des facultés spirituelles de l’homme n’était jamais dissociée de celle de la beauté du corps humain « miroir du divin » et sommet de la Création.