Caillebotte, triomphe et victime de l’histoire de l’art
Stéphane Guégan
Conseiller scientifique de la présidence du musée d’Orsay
Stéphane Guégan, historien et critique d’art, spécialiste des xixe et xxe siècles, conseiller scientifique auprès de la Présidence du musée d’Orsay, est l’auteur de nombreux ouvrages dont une édition des Salons de Stendhal (Le Promeneur, 2002) et une biographie primée de Théophile Gautier (Gallimard, 2012). Il a été commissaire de plusieurs expositions à Paris, dont Ingres (Louvre, 2006), Manet, inventeur du Moderne (musée d’Orsay, 2011), Le Modèle noir. De Géricault à Matisse (musée d’Orsay, 2019), Toulouse-Lautrec, résolument moderne (Grand Palais, 2019) et Huysmans, critique d’art (musée d’Orsay, 2019). Il publie cette année Caillebotte. Peintre des extrêmes (Hazan) et Baudelaire. L’Art contre l’Ennui (Flammarion).
Le peintre de la vie moderne, tel que Baudelaire l’a rêvé, n’est-ce pas lui ? N’est-ce pas Gustave Caillebotte (1848-1894), le peintre des Raboteurs et du Pont de l’Europe, qui comblera cette attente ? Nous voudrions le montrer à Bordeaux. D’abord relégué aux marges de l’impressionnisme par John Rewald, Caillebotte s’est vu revaloriser de manière éclatante depuis les années 1970. Artiste singulier, poète méthodique du Paris d’Haussmann, grand observateur du jeu amoureux, héros du yachting, fou de fleurs et de jardins, capable de tout peindre par horreur des redites, il joua un rôle crucial à d’autres titres. Collectionneur précoce des impressionnistes, grand donateur (le fond d’Orsay lui doit tout), il fut aussi l’organisateur de leurs expositions à partir de 1877. Il y a urgence à corriger l’idée d’un rentier mal dans sa peau et sa sexualité. Pire, mal dans son époque.