Bonnard, prince du fugitif
Stéphane Guégan
Stéphane Guégan, historien et critique d’art, spécialiste des XIXe et XXe siècles, conseiller scientifique auprès de la Présidence du musée d’Orsay, est l’auteur de nombreux ouvrages dont une édition des Salons de Stendhal (Le Promeneur, 2002), une biographie primée de Théophile Gautier (Gallimard, 2011) et un grand nombre d’essais, notamment Baudelaire, l’art contre l’ennui (Flammarion, 2021) et Caillebotte. Peintre des extrêmes (Hazan, 2021, primé par l’Académie française et le Syndicat National des Antiquaires). Il a été commissaire de plusieurs expositions à Paris, dont Ingres (Louvre, 2006), Manet, inventeur du Moderne (musée d’Orsay, 2011), Le Modèle noir. De Géricault à Matisse (musée d’Orsay, 2019), Toulouse-Lautrec, résolument moderne (Grand Palais, 2019), Huysmans, critique d’art (musée d’Orsay, 2019), Impressionnisme. La modernité en mouvements (Le Louvre Abu Dhabi, 2022) et Manet/Degas (musée d’Orsay, 2023).
Décorateur festif ou intimiste secret, Pierre Bonnard (1867-1947) est à comprendre en contexte, au-delà des Nabis, friands de Gauguin et du Japon. Gardons-nous de le réduire à une peinture plus mentale que vitale, ou plus rétinienne que poétique. Certes, il a voué à Monet et Renoir une totale admiration, mais Manet et Caillebotte, auxquels font songer ses effets de miroir et ses espaces à angles multiples, l’ont encouragé à pratiquer un réalisme élargi, plus conscient de sa subjectivité, plus respectueux de l’ordre propre au tableau, plus soucieux de la mémoire et de l’imaginaire que libère le choc du motif,