REDON (Odilon), 1840- 1916

La tentation de Saint Antoine

Série complète de 24 lithographies,
1896
Troisième série, titrées sur chine appliquées sur vélin fort.
Illustration de La Tentation de Saint-Antoine de Flaubert
Provenance : famille DE LA ROCHEFOUCAULT puis collection Famille Frizeau.

 

Acquis en novembre 2017, ventes aux enchères,  Nantes, 20.000 euros (hors-frais).
Offert la même année au musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

 

Cet album lithographique illustre La Tentation de Saint Antoine de Gustave Flaubert, portfolio signé de la main de l’artiste et publié en 1896, ne fut tiré qu’à 50 exemplaires. Il est très rare de trouver une série complète composée de 24 planches car dans le passé il était fréquent de désolidariser l’album et d’encadrer chacune des lithographies. Cet exemplaire, resté dans la même famille depuis 1896, appartenait à un couple d’érudit et d’amateur d’art. Selon Vincent Cesbron, expert spécialisé en livres et estampes « deux autres séries furent publiées en 1888 et 1889 avec des extraits différents du texte de Flaubert. Les trois séries furent enfin réunies en 1933 par Ambroise Vollard. »

 

Ses dessins noirs de même que ses lithographies publiées en album de 1879 à 1899 constituent l’essentiel de la production d’Odilon Redon pendant trente ans. « Le noir écrivait-il est la couleur la plus essentielle. Il est agent de l’esprit[1] ». C’est ainsi que l’univers fantastique et énigmatique d’Odilon Redon, alternant lumière et obscurité, prend forme au fil du récit de ce saint qui, comme le Faust de Goethe, fut tenté par le diable avec tous les artifices dont ce dernier dispose.

 

 

Stanislas Corin, professeur de dessin d’Odilon Redon, fut le premier à pressentir les dons du futur artiste, à l’initier au plaisir de l’art, à le conduire au musée des Beaux-Arts de Bordeaux où l’élève de quinze ans découvre les œuvres de Millet, Corot, Gustave Moreau et surtout Delacroix. A cette époque de formation, Redon fit la connaissance du botaniste Armand Clavaud qui poursuivait ses recherches à Bordeaux sur les liens pouvant exister entre la vie végétale et la vie animale. « C’est avec lui que j’ai connu la loi essentielle de la création, ses mesures et ses rythmes ». Clavaud n’était pas seulement un savant, c’était un artiste et un homme cultivé. Il initia Redon aux théories de Darwin, au bouddhisme, aux poèmes hindous, à la littérature ancienne et moderne, il lui fit lire les œuvres de Poe, de Flaubert et aussi les Fleurs du Mal que Baudelaire venait de publier.

 

En 1859, Redon s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Paris, puis après avoir échoué aux épreuves orales, il entre dans l’atelier de Gérome qu’il quitte rapidement. De retour à Bordeaux, et après avoir fait la connaissance de Rodolphe Bresdin, un graveur de grand talent qui l’initia à la technique de la gravure et de la lithographie, il revient à Paris dans le quartier de Montparnasse. Commence pour Redon une série de déplacements, la Bretagne, Barbizon, mais chaque été il revient à Peyrelebade, sa maison d’enfance, où il retrouve cet univers sauvage et peu hospitalier qui berça ses premières années. Dès ce moment dira-t-il, « j’ai eu conscience de mes dons naturels ».

 

En 1872, il est introduit dans le Salon littéraire parisien de Madame Rayssac, elle-même peintre. C’est chez-elle qu’il rencontre des musiciens et des peintres comme Chanavard et Fantin-Latour qui lui enseigna la technique du papier-report, laquelle permet de transformer des dessins en lithographie. Sa formation a été relativement lente. Maintenant elle est achevée. C’est l’année de la mort de son père en 1874, qu’il atteint à trente quatre ans, la maturité de son art.

 

« Maitres du blanc et du noir au XIXe siècle ». Exposition du cabinet des dessins Musée du Louvre, Paris 1968